Khao San Road : petite histoire de la rue des « backpackers »
Khao San Road, la « walking street » la plus connue de Bangkok vous est certainement familier si vous avez déjà mis les pieds en Thaïlande. Mais connaissez-vous l’origine de son nom ? Ou pourquoi cette rue en particulier est devenu la rue « par défaut » pour bon nombre de voyageurs se rendant pour la première fois en Thaïlande ? C’est avec ces questions en tête que j’avais décidé voilà déjà quelques temps, de rédiger un article pour parler de cette fameuse rue connue de presque tous.
Hasard du calendrier, il se trouve que CNN (rien que ça), m’a devancé avec la parution d’un article précisément sur ce thème des origines de Khao San. Article qui a déjà été traduit sur des sites francophones consacrés à la Thaïlande. J’ai donc un train de retard… mais si je précise ça, et même si ça reste que « ma parole », c’est pour éviter d’être accusé de plagiat ou autre, même si cet article me simplifiant sacrément la tâche, je m’en suis forcément un peu inspiré.
Khao San Road = la rue du riz blanc
Si l’on prend la traduction en anglais, Khao San Road est traduit par « Milled Rice Lane », milled pouvant être traduit par broyé ou usiné, dans le sens de passer à la machine ou un procédé pour, dans ce cas, « blanchir » le riz, c’est-à-dire enlever l’enveloppe entourant le grain. « Milled Rice » peut donc se traduire simplement par « riz poli » ou « riz blanchi » dans le sens où la céréale a été préparée pour être prête à la consommation. Ce qu’il faut retenir de cette petite leçon de langue, c’est que, ce qui est alors qu’une petite allée étroite, était utilisé par les marchands de tout le pays pour venir vendre leurs sacs de riz blanc. Son avantage étant sa proximité avec plusieurs canaux (les fameux Klongs), se jetant un peu plus loin dans le Chao Phraya, véritable autoroute de l’époque.
Il faut remettre les choses dans le contexte. Nous sommes alors à la fin du XIXe siècle et Khao San se trouve à cheval entre le Klong Rong Mai, canal creusé artificiellement pour isoler la nouvelle ville, qui forme alors l’île de Rattanakosin (ça remonte à la fin du XVIIIe), et le canal de Bang Lamphu, également artificiel et rajouté avec la même fonction que le Klong Rong Mai en élargissant la surface de la ville alors en pleine expansion.
Les deux canaux sont alors rejoint par un petit canal secondaire, qui n’est autre qu’aujourd’hui la Soi Rambuttri, la rue voisine à Khao San Road. Il faut comprendre aussi qu’à cette époque, les routes n’existent pas encore à Bangkok puisque la première rue officielle, New Road (devenue Charoen Krung Road, dont j’y consacrerai un article prochainement), a été crée seulement en 1863 sous le règne de Rama V. Le moyen de transport principal était alors le bateau et les canaux sont alors remplies de barges, qui convergaient vers les marchés flottants qui pullulaient à Bangkok.
Il faut dire qu’à l’époque déjà, le Siam était l’un des plus gros producteurs de riz au monde et le quartier de Bang Lamphu voyait donc défiler des tonnes et des tonnes de sac de riz transiter. Le marché de Bang Lamphu était devenu le plus grand marché consacré au riz de tout Bangkok et par la même de tout le pays. Les spots de vente, se sont étalés dans toute la zone autour du canal de Bang Lamphu, jusqu’à ce que des échoppes commencent à s’installer au bout de la rue Khao San, dans ce qui n’était alors qu’une allée boueuse étroite.
Pour améliorer le commerce et élargir cette partie du marché, une route y fut construite en bonne et dû forme en 1892 par le roi Chulalongkorn (Rama V). Khao San était née. L’allée pavée ne faisant alors que 410 mètres de long, elle n’était pas assez longue pour être nommée d’après une figure Thaïlandaise importante (des fois que cette personne se frustrerait d’être associé à cette « sous » rue), ce qui était alors la pratique courante. Il fut ainsi décidé de l’appeler « Soi Khao San« , l’allée du riz blanc, tout simplement.
Du riz aux backpackers
Bon, qu’une rue soit apparue à cet endroit, OK, mais comment est-on passé du commerce du riz au commerce des buckets et chariots de Pad Thai ? Il faut comprendre qu’un quartier qui attire du monde, fini par attirer les investisseurs autre que ceux dans le commerce du riz. Après tout, s’il y a du monde se déplaçant au quartier de Bang Lamphu, certes pour son riz à la base, cela fait autant de consommateurs potentiel pour acheter d’autres choses.
C’est ainsi que Khao San a vu apparaître des boutiques de vendeurs de chaussures en cuir et des bijoutiers par exemple. Ce qui perdure toujours aujourd’hui car si vous vous baladez le long de la rue perpendiculaire à Khao San, Thanon Tanao, on peut toujours y voir des boutiques spécialisées dans les bijoux en argent. La rue Tanao est par ailleurs bordée par les shophouses qui abondaient alors dans tout Bangkok, comprendre par là, d’époque.
L’autre spécialité qui viendra petit à petit supplanter le commerce du riz, s’avère être le textile. Cela incluait notamment la première boutique du pays à proposer des uniformes pour les écoliers, prêt à porter, ou des artisans fabriquant des costumes traditionnels utilisés pour les spectacles de danses classique Thaï. Cela est venu avec l’air du temps, où une forte demande pour l’industrie du divertissement s’est fait ressentir dans le royaume. Cela a donné naissance à deux cabarets proposant des comédies musicales, l’apparition de la première maison de disques de Thaïlande (Kratai) et l’un des tout premiers cinémas du pays, bientôt accompagné par d’autres.
On compte alors pas moins de 4 cinémas à Bang Lamphu. Le cinéma Wang Chao Prida (dès 1907), le cinéma Rattanapee Raka (en 1909), le cinéma Pattanakarn (1910) , puis le cinéma Dong Kok, qui a démarré son activité comme un théâtre avant de se convertir en cinéma (qui sera alors nommé Busayaphan). Ce dernier était à côté de l’actuel Nouvo City Hotel, le long de Samsen Soi 2. Il disparait suite à un incendie en 1961, remplacé depuis par un bâtiment abritant un bar/karaoké/billard, donc toujours un lieu dédié au divertissement en somme. Et justement, à cette époque, ce nouveau « centre » du divertissement, sera par ailleurs conforté avec l’ouverture, non loin de Khao San, du théâtre national de Bangkok, qui ouvre ses portes en 1965.
L’influence de Lonely Planet
On arrive à la fin des années 70, le tourisme en Thaïlande reste encore balbutiant, et à l’époque, la plupart des touristes séjournent alors dans les quelques grands hôtels alignés le long de l’artère commerciale, entre Siam et par prolongement, le long de Sukhumvit, alors en pleine expansion. L’un de ses hôtels iconiques était d’ailleurs le regretté Siam Intercontinental Hotel, construit à partir de 1964, qui occupait un jardin de 10 hectares appartenant à la famille royal. Pour l’anecdote, cet hôtel fut rasé en 2002 pour laisser la place au Siam Paragon, le fameux centre commercial qui est maintenant loin d’être seul le long de cette artère. Si je vous raconte ça, c’est que le Siam Intercontinental, ce n’est pas ce que recherchait Joe Cummings, rédacteur pour guide de voyages, alors associé à Lonely Planet, qui était encore une jeune entreprise.
Pour rappel, si vous ne connaissez pas l’histoire, le Lonely Planet, célèbre guide de voyage qu’on ne présente plus (et non, ce n’est pas sponso, donc pas de lien, hein), a été créé par un jeune couple anglo-irlandais, Maureen et Tony Wheeler, en 1972 suite à un voyage au long cours qui les fit notamment traverser l’Asie. Désireux de partager leur expérience, basé sur un voyage à bas coût, ils commencèrent à rédiger sobrement ce qui allait devenir leur premier guide (et ancêtre du blog quelque part), publié en 1973 : Across Asia on the Cheap (À travers l’Asie pour pas cher). Vous comprenez alors qu’avec ce thème, Joe Cummings ne cherchait pas le luxe quand sa mission consistait à rapporter de son voyage ce qui allait devenir la première édition du Lonely Planet Thaïlande. Nous sommes alors en 1981, il y a tout juste 40 ans.
Alors en repérage, Joe Cummings croisa la route de Khao San, si je puis dire. Et à l’époque où il y met les pieds pour la première fois, il subsite encore des vestiges du marché originel puisqu’il reste encore quelques marchands de riz. Le reste ayant bougé ailleurs car les canaux sont délaissés au profit des routes et les barges ont été remplacées par les camions. La rue est alors majoritairement bordée par des maisons typiques de la fin du 19e et début 20e, les fameuses shophouses dont je fais mention concernant la rue Tanao. Khao San offrait alors un mélange de vendeurs de chaussures, de petit café tenu par des sino Thaï, des vendeurs de nouilles, épiciers ou encore un réparateur de motocyclette (ouais plus personne utilise ce mot).
Contrairement à Yaorawat, le quartier chinois, ou encore Prahurat, le quartier indien voisin, Bang Lamphu avait un côté résolument plus « Thaïlandais », et ça, c’est déjà un argument plaisant pour se plonger dans la culture locale, en tant que visiteur. L’autre argument de taille, c’est la proximité entre Khao San Road et les principales attractions de Bangkok, que sont le Grand Palais (incluant le temple du bouddha d’émeraude) et le Wat Pho, qui se trouvent dans un rayon d’à peine plus d’1 km.
C’est pourquoi lorsque Joe Cummings remarqua deux hôtels dans la rue, à 5$ la nuit, il pensa immédiatement à les recommander dans le futur guide comme base pratique pour les voyageurs. En se perdant dans les ruelles adjacentes, il tomba sur un guesthouse qui venait d’ouvrir, le VS Guesthouse. La famille accueille alors des hôtes dans leur belle maison vintage des année 20 pour la modique somme d’1,5$ par personne. C’est le premier de son genre à ouvrir à Khao San et c’est le seul qui reste encore ouvert 40 ans plus tard !
En explorant plus loin, il trouva deux autres guesthouses, aux tarifs similaires, également gérés par des familles locales. À cette époque, Khao San Road comptabilisait donc en tout et pour tout deux hôtels et ces trois guesthouses, qui servait à la base essentiellement à accueillir des grossistes venant de la province s’approvisionner en stock de marchandises dans le quartier de Bang Lamphu. Les cinq établissements se retrouvent listés dans la première édition du guide Lonely Thaïland, alors appelé : « Thailand: A Travel Survival Kit » (Thaïlande : le kit de survie de voyage), publié en 1982.
La machine est lancée
Sans forcément « accuser » le Lonely d’être à l’origine de l’effervescence à venir, le constat reste là, lorsque Joe Cummings revient à Bangkok actualiser le guide l’année suivante, cinq nouveaux guesthouses étaient apparu dans la rue et ses environs. Tous sont ajoutés minutieusement et figurent dans l’édition 1984 du guide. Notre Joe ne pourra à chaque mise à jour suivante, survenant alors chaque semestre, que constater le nombre de logements se multipliant de façon exponentielle. Il faudra tout juste 10 ans pour que Khao San et les allées attenantes pullulent d’hôtels et guesthouses pour backpackers, dépassant alors largement les 200 établissements !
L’effet « The Beach »
Lorsqu’on évoque aujourd’hui la Thaïlande, beaucoup ont en mémoire le film « La Plage », avec Leonardo DiCaprio. Mais saviez-vous qu’avant d’être un film, il s’agissait d’un roman ? Et ce roman, c’est l’oeuvre d’Alex Garland, un écrivain en devenir et illustre inconnu à l’époque (qui deviendra aussi scénariste et réalisateur, je vous laisse voir sa fiche wikipedia si ça vous intéresse). Hors, si l’histoire qu’il raconte est une fiction, les éléments qu’ils utilisent font suite à sa propre expérience en tant que routard, qui l’amena entre autres à séjourner à Khao San Road au milieu des années 90.
Et à cette époque, la rue des routards a cette réputation d’offrir un peu tout et n’importe quoi aux visiteurs. Il faut dire qu’il y a avait comme un phénomène de compétition entre les 3 K, ces 3 lieux connus pour attirer de nombreux backpackers, Kathmendu (Népal), Kuta Beach (à Bali, Indonésie) et Khao San Road considéré alors comme le plus important en terme d’offre de logements, et du nombre de personnes y transitant. En plus de ces hôtels pas cher et sa nourriture de rue à foison, Khao San Road est alors connue pour son marché noir de cassettes, CD, DVD piratés, l’achat de fausses cartes d’identité, permis de conduire, livres contrefaits et contrefaçons à gogo (notamment les sacs à dos). Un âge « d’or » qui a perduré encore une bonne décennie après le passage de Garland car c’est un Khao San que j’ai connu aussi lorsque j’y mettais les pieds la première fois en 2006.
Mais c’est ce côté mauvaise réputation de Khao San qu’Alex Garland a voulu retranscrire dans les premiers chapitres de son roman « The beach », quand son héros, Richard, un jeune routard anglais (la nationalité de Garland), rencontre l’excentrique écossais qui se fait appeler « Daffy Duck » (interprété dans le film par l’inoubliable Robert Carlyle). Ce dernier lui donnant alors la carte menant vers la fameuse plage secrète, au coeur de l’intrigue de la suite du roman, et qui mettra en lumière pour toujours La Plage en question, Maya Bay, sur Koh Phi Phi Leh. Le roman y décrit la chambre typique du routard au Khao San de cette époque : « Un seul mur en béton – celui de la structure du bâtiment. Les autres étaient en Formica brut. Ils bougeaient quand je les touchais. J’avais le sentiment que si je me penchais contre l’un, il tomberait et peut-être en heurterait un autre, et tous les murs des pièces voisines s’effondreraient comme des dominos. Juste en dessous du plafond, les murs s’arrêtaient et l’espace restant était une bande en métal servant de moustiquaire« .
Le roman est publié en 1996, et s’il a un certain succès, d’où son adaptation au cinema à peine 4 ans plus tard, c’est bien le film de Danny Boyle qui mettra en lumière Khao San Road durablement et pour un plus large publique, moi y compris. Cette même année 2000, le DJ italien Spiller tourne son clip à Bangkok et termine en soirée à Khao San avec la chanteuse Sophie Ellis-Baxter sur son hit « Groovejet (If This Ain’t Love) ». Cette année toujours, un article du New Yorker intitulé « The place to disappear » (l’endroit au disparaitre) dépeint alors Khao San Road comme « une zone de transit pour la moitié du monde, un endroit qui prospère sur le désir d’être ailleurs», car c’était alors «l’endroit le plus sûr, le plus facile et le plus occidentalisé à partir duquel démarrer un voyage à travers l’Asie. »
Et Khao San Road de nos jours ?
L’association des commerçants de Khao San (Khao San Business Association) revendiquait en 2018 un chiffre qui donne le tournis, puisqu’en haute saison (de novembre à février), la petite rue pouvait voir défiler entre 40 000 et 50 000 touristes par jour ! (contre 20 000 environ en basse saison). Pas étonnant donc que la mairie de Bangkok (la BMA pour les intimes pour Bangkok Metropolitan Authority) décide en 2019 d’y injecter 1,6 million de dollars pour rénover la rue et faire de Khao San une rue piétonne aux dimensions internationales.
Le renouveau de Khao San
Probablement initié pour contrer un peu l’effet « mauvaise réputation » de la rue, lui collant à la peau depuis la fin des années 90, Khao San se refait une beauté pour être plus organisée, plus « accueillante ». La route est complètement refaite, en pavée, pour accentuer l’aspect piétonnier, ce qui est le cas entre 9h et 21h chaque jour où les véhicules ne peuvent y circuler. Sur les côtés sont alignés des bornes rétractables, désignant des espaces pour 250 à 350 vendeurs thaïlandais agréés, sélectionnés par loterie (oui oui).
Sauf que voilà, entre temps, la pandémie a sonné aux portes du monde et la Thaïlande ferme les siennes aux touristes au mois d’avril 2020, réduisant brutalement la fréquentation de Khao San Road proche du néant. Si la rue subsite aujourd’hui, c’est parce que la jeunesse Thaï s’y rend plus nombreuses depuis la réouverture du tourisme domestique en juillet 2020 et encore plus depuis la finition de la rénovation et inauguration du « nouveau » Khao San en novembre 2020. Les pubs s’alignant dans la rue était autrefois remplis à 80% par des étrangers lorsqu’aujourd’hui on comptabilise jusqu’à 90 % de Thaïlandais.
Cette dernière phrase est évoquée dans l’article de CNN mais pour avoir été à Khao San encore dernièrement, cette dernière reste quand même bien vide en journée, il y aura bien quelques curieux et des locaux profitant de ce calme et des quelques cafés qui ont ouvert là dernièrement, mais c’est surtout le soir venu que la rue s’anime le plus. En passant dans la rue Rambuttri, on avait pu constater l’implantation d’un restaurant, bondé ce soir là, le Botanic Backyard Bar & Restaurant. Des animations ont été aussi promu pour attirer du monde, avec notamment l’initiative impliquant jeux de lumières, artisanat local et musique live, Khao San Hide and Seek.
Malheureusement, tout ceci a été mis à mal avec l’arrivée de la « seconde vague » en Thaïlande, qui freina encore une fois l’effervescence de Khao San à partir de janvier 2021 dernier, les lieux de sorties étant comme partout, ciblé en priorité pour éviter une propagation dans les lieux où les gens sont le moins susceptible de respecter les gestes barrières (c’est en tout cas l’idée).
L’évolution de Khao San selon VS Guesthouse
Je reviens brièvement sur le VS Guesthouse, mentionné plus haut. Il se trouve que ce dernier est resté ouvert pendant la pandémie, contrairement à la très grosse majorité des autres hôtels autour de Khao San qui ont fermé leurs portes en attendant des jours meilleurs, et pour certains malheureusement, le rideau est tombé de manière définitive. Chose que je ne vous ai pas dis jusqu’à alors, c’est que le fameux article de CNN a été rédigé par Joe Cummings himself. Il a donc été voir ce qu’était devenu Khao San en cette période difficile et passa dans le GH vétéran.
C’est toujours géré par la même famille, 3 sœurs ayant pris le relais du père qui avait décidé le premier d’accueillir des visiteurs dans leur maison. À l’époque, ils n’avaient d’ailleurs pas de chambre pour se faire, mais proposaient à des étrangers de rester dormir dans le salon, peut pas faire plus hardcore dans la formule « dormir chez l’habitant ». Rintipa Detkajon, l’aînée de la fratrie se remémore alors cette période particulière, où alors âgée de 16 ans, ils accueillent pour la première fois un illustre inconnu dans le salon, au début des années 80. La famille a par la suite agrandi la maison, y ajoutant à son pic jusqu’à 18 chambres avant de réduire et stabiliser le nombre à 10 chambres, disponibles à partir de 10 $ (ce qui reste très bon marché).
Le jour de la visite de Joe Cummings au guesthouse, il n’y avait qu’un seul client, un américain séjournant plusieurs mois. L’occasion de demander à Rintipa comment elle perçoit le manque à gagner du fait de la pandémie, et cette dernière, lucide, de répondre :
« Ce n’est pas seulement nous, c’est le monde entier », a-t-elle déclaré. « Nous sommes tous dans le même bateau. C’est notre maison, alors nous survivrons. »
Mais ce qui m’a le plus frappé dans ce dernier paragraphe, c’est la notion de clientèle qui est aujourd’hui différente selon sa perception, dans ce qu’elle semble rechercher en venant à Khao San et de manière plus globale, en Thaïlande. Selon Rintipa toujours, « les étrangers à l’époque voyageaient paisiblement. Ils s’intéressaient vraiment à l’histoire et à la culture, contrairement aux jeunes que nous voyons de nos jours, qui semblent plus intéressés à se saouler et à faire la fête. »
Et je ne peux lui donner du tort, il n’y a qu’à voir la popularité de la full moon et le grand nombre de lieux dédié à la fête en Thaïlande (Phi Phi, Patong, Pattaya pour ne citer que ceux là).
La bonne question, et je conclurai ainsi, c’est qui a crée la demande ? Les marchands de Khao San (et ailleurs) ? en poussant à la consommation et à s’amuser quitte à détourner cette jeunesse des réels intérêts qu’offrent la Thaïlande en dehors de ce côté « vie pas cher », ou est-ce vraiment cette jeunesse « perdue » qui préfère passer du bon temps plutôt que s’intéresser vraiment à cette culture qui les entoure ?
À l’heure où la Thaïlande se cherche et souhaite attirer une clientèle plus aisée plutôt que cette jeunesse adepte du voyage à bas coût, je pense qu’il y a un juste milieu à trouver. Car d’un côté, la richesse ne veut pas forcément dire que la culture intéressera plus que ça et profitera surtout qu’à un nombre limité de commerces, car cette forme de tourisme est souvent cantonnée à des « bulles » de voyages (certes, je caricature un peu). Quand les jeunes méritent de profiter un peu de cette insouciance de l’âge, sans en abuser non plus, et qu’il ne faut pas négliger leur curiosité, les poussant souvent à explorer plus en profondeur le pays, et finalement rester plus longtemps, que ne le ferait les plus riches.
Khao San Road quant à elle, se veut plus ouverte à tout type de voyageur avec cette refonte, qui veut faire d’elle une rue piétonne à dimension internationale, sans distinction d’âge ou de revenus. Je ne doute pas que KSR pour les intimes continuera d’attirer pendant encore longtemps les voyageurs et les curieux, son « esprit » s’adaptera et certainement que dans 30 ans, on en parlera différemment !
Petite anecdote bonus, Joe Cummings vit actuellement à Chiang Mai, et c’est apparemment un joueur de guitare hors pair, on dit qu’on l’aperçoit souvent jouer des morceaux de blues avec des artistes locaux dans certains bars de la ville !
Mes sources
Voici quelques liens d’articles et pages m’ayant servi à rédiger cet article (certains pour les images et photos d’époque)
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- L’article de CNN sur l’histoire Khao San Road (article en anglais)
- L’histoire des cinémas à Bang Lamphu (article en Thaï)
- La vue aérienne de Khao San (site en Thaï)
- Détail de la carte de Bang Lamphu (aussi en Thaï)
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Rose-Marie BERNARD
J’ai adoré mes vacances Thaïlandaises juste avant la pandémie ! Merci pour ce reportage.
Avec l’espoir d’y retourner dès que possible !!!
Job Khun Ka
Romain
Beaucoup attendent avec impatience ! Merci d’avoir appréciée mon article ! N’hésitez pas à le partager !
Christophe
Un article vraiment intéressant.
J’ai découvert KSR en 2002 et y ai bien sûr dormi, une piaule assez sordide d’ailleurs, mais au prix totalement imbattable.
Mon dernier passage date de 2019 et bien que je m’étais promis après plusieurs visites que jamais je ne retournerais dans l’antre du tourisme de masse, je ne peux m’empêcher d’y faire un petit tour. Par contre, je suis monté (un peu) en gamme au niveau du dodo 😉
Il faut dire qu’on y trouve de super bons petits restos à petits prix et quelques surprises au coin de la rue.
De la rue des routards un peu fauchés qui venaient découvrir un pays magique, elle est devenue le port d’attache des groupes assoiffés et hurlants qui finissent quelques fois par faire la manche.
N’empêche que j’ai bien hâte de retrouver Bangkok 🙂
Kika
Plus de 25ans que je pratique bkk et ksr je m’y sens chez moi mais je déplore l’évolution malsaine des touristes et la tournure des mentalités qui changent privilégiant l’intérêt et la money dommage. Reste encore qq coins authentiques.