Le brouillard se dégage presque d’un coup, laissant apparaître le bord du cratère qui paraît immense, et pour cause. C’est un trou béant, beau et dangereux à la fois. Beau, car il y a ce beau ciel bleu de nuages cotonneux parsemés, contrastant avec ce lac couleur turquoise, tandis que la roche nous entourant est blanche, grise ou ocre, mais dangereuse, car c’est un véritable “enfer” en bas avec ses solfatares.
Petit aparté pour expliquer : la solfatare est à la base un cratère volcanique à l’ouest de Naples, en raison de ces fumées sortant du sol, les Romains considéraient l’endroit comme les portes de l’enfer, car ils n’avaient jamais rien vu de tel. D’où l’allusion, par extension, du mot solfatare, qui désigne maintenant une région géologique d’où sortent des vapeurs de soufre.
Elles sont confondues avec les fumerolles qui ne sont principalement que de la vapeur d’eau avec éventuellement des traces d’acide sulfurique, de minéraux magmatiques ou encore de métaux type mercure, à l’état de vapeur donc.
Reprenons le fil.
Le lac d’acide ajoute à ce tableau de couleurs, il est connu comme un des plus acide au monde avec un pH d’environ 0,2 ! (les infos divergent, parfois considéré 2e derrière le lac du Poas au Costa Rica sinon 1er).
D’après le guide précédemment cité, le plus jeune aurait 14 ans… Et le plus vieux il ne savait pas vraiment, mais plus de 60 au moins… Quant au poids minimum avec lequel ils débutent, celui-ci m’assura que c’est 60kg, vous imaginez donc un gosse de 14 ans se trimbaler un fardeau de 60kg en guise de cartable qui va à l’école en haut d’une piste de ski et ça vous rapproche de ce qu’il doit endurer pour faire vivre sa famille… Terrible leçon d’humilité.
Si en montant 2, 3 mecs m’ont demandé une photo contre un peu de sous, arrivé ici, ce sera plutôt de l’eau ou des biscuits… Malheureusement, nous n’avions que peu d’eau avec nous (et le peu que nous avions, nous l’avons quand même donné) et pratiquement rien à manger, en redescendant, nous n’avions plus rien, car même après avoir acheté de l’eau à “l’étape” avec la cabane, j’ai filé mon reste d’eau à un gars. Si vous voulez leur faire plaisir, pensez ainsi à apporter quelques bouteilles d’eau et de quoi grignoter, vous ferez des heureux.
Je serais à leur place, je me foutrais dans une colère noire à voir un « abruti » me gêner la route, comme je le faisais remarquer à Jitima au final être ici, c’est comme si on venait visiter votre bureau voir ce que vous faites, c’est “lééégèèèrement” perturbant pour rester poli. Donc ne pas hésiter à se pousser même si les conditions sont justement pas faciles pour ça. Il faut parfois se caser sur un bout de rocher alors que le terrain n’est pas vraiment propice pour jouer à « chat perché… »
Ils commencent par en ramener un qu’ils vont poser quelque part, certains au tout début du parcours comme ici où ils préparent le panier, le pose un peu plus loin et viennent vite s’en faire un deuxième qu’ils vont redescendre jusqu’en bas, le second étant prêt pas besoin de se refaire une descente dans la fumée. Certains vont loin pour ce premier round car on a vu les premiers paniers bien avant la cabane, donc certains choisissent de trimer un bon coup en redescendant une bonne partie avec leur 1er panier, refont le 2ème qu’ils descendent jusqu’au bout avant de reprendre l’autre qui n’est plus “trop loin”.
Parlons argent un peu pour comprendre leur motivation : sachant qu’un kilo leur rapporte 600 Roupiah, soit un minimum en moyenne de 75kg x 2 paniers x 600 = 90,000 Rps soit de l’ordre de 8 euros par jour. Leur salaire atteint donc quelque chose comme 200 euros par mois ! Par comparaison le salaire moyen en Indonésie est de 1,2 millions de Roupiah soit environ 100 euros, 2 fois moins… mais ça a un coup, vu les conditions de travail leur espérance de vie en est grandement diminuée…
Pour notre part à peine arrivé que nous devons courir alors qu’une masse de vapeur de soufre nous souffle sur le visage, malgré nos petits masques de chirurgien qui protège au final que dalle, c’est comme avoir une espèce de bronchite instantanément, le souffle coupé, on suffoque, tousse. La gorge irritée et les yeux qui piquent, voilà ce qu’ils subissent régulièrement. Le système D de base consiste à « mordre » un tissu imbibé d’eau.
Malgré ça, je ne me laisse pas décourager, tel un reporter, je tiens à y refaire un tour. Cette fois, le vent est favorable bien que je ne m’enfoncerai pas trop dans le “chantier” ni ne m’approcherai du lac. Je prends ma série de photos, si certains ont bien des masques, ceux qui restent sur place pour gérer les tuyaux placés à la sortie des “bouches” qui servent à chauffer le soufre avec de l’eau chaude pour que la formation du minerai et son extraction se fassent plus rapidement qu’en mode naturel pour résumer, les autres comme notre sympathique mineur accompagnateur n’ont rien d’autre que leurs poumons pour respirer cet air chargé de composés chimiques.
Laure
Bonjour, magnifique et terrifiant reportage photos, je reste bouche-bée, félicitations et merci !
Romain
Merci Laure pour ce commentaire qui fait plaisir à lire !